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Page:Ista - Contes & nouvelles, tome II, 1917.djvu/74

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elle, je me jetterai à ses pieds en criant : Je vous aime ! »

Le jeudi était arrivé. Nul cataclysme n’avait bouleversé Paris, nul bouton ne fleurissait la joue de l’amoureux, ses vêtements neufs l’attendaient, étalés sur un fauteuil, et il avait passé une heure à chercher s’il n’existait pas de raisons impérieuses pour remettre la chose à la semaine suivante, sans pouvoir découvrir le plus petit obstacle.

C’était donc pour aujourd’hui.

Et voilà pourquoi Gaston tortillait et détortillait sa cravate, en répétant à satiété, comme s’il apprenait un rôle par cœur : « J’attends que tout le monde soit sorti, et je me jette à ses pieds en criant : Je vous aime ! »

Son douzième nœud de cravate ne valait ni plus ni moins que les précédents, mais Gaston en fut satisfait, parce qu’il n’avait plus le temps d’en recommencer d’autres. Il acheva de se vêtir avec un soin méticuleux, fit appeler un taxi, sauta dedans et cria l’adresse d’une voix si résolue, que le chauffeur sursauta et le regarda d’un air méfiant et un peu craintif.

Dans le salon de Mme Cocheroy, où le jeune homme fut introduit de suite, il n’y avait personne ! Pas un seul visiteur ! Ayant décidé qu’il y en aurait quinze au moins, et qu’il attendrait la sortie du dernier, Gaston pensa avec un profond dépit que son plan ne tenait plus debout. Et il n’était pas encore remis de sa déconvenue quand Mme Cocheroy entra.

Autre tuile ! Elle était en peignoir. Donc, elle n’attendait personne, et avait oublié qu’il lui avait promis une visite. Il fallait même qu’elle fût bigre-