Page:Ista - Contes & nouvelles, tome II, 1917.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
74

Le coup lui sembla si dur qu’il déclara d’un ton fort sec : « Je vous jure, madame, que je n’ai pas la moindre garçonnière. »

Mais elle ne le lâchait pas, et continuait : « Vous préférez les hôtels, sans doute ? Mais vous êtes terrible ! C’est très compromettant, les hôtels ! Est-on bien, au moins, dans le vôtre ? Y a-t-il un peu de confort ?

Il répondit, d’une voix que le dépit faisait trembler un peu : « Je vous répète, madame, que vous vous trompez complètement. »

Sans pitié, elle reprit : « Alors, il reste les voitures, mais c’est bien incommode. »

Et elle le regarda d’un air désapprobateur. Elle croyait donc qu’il mentait, qu’il avait des maîtresses ! Comment lui dire qu’il l’aimait, qu’il l’adorait, puisqu’elle était persuadée de cela ! Un instant, il eut l’idée de risquer le tout pour le tout, de se jeter à ses pieds en criant : « Je vous aime ! » avec l’intonation qu’il avait répétée deux ou trois cents fois depuis le matin. Mais au moment où il la répétait encore une fois ou deux, intérieurement, pour ne pas rater son effet, Mme Cocheroy posa par mégarde une main sur la sienne. Elle s’inclinait vers lui, fortement appuyée sur cette main, son bras pressé contre celui du jeune homme, et, penchée sur sa poitrine, elle regardait longuement son épingle de cravate, après avoir demandé : « C’est l’émeraude que votre mère vous a donnée, je crois. »

Fallait-il qu’elle fût à cent lieues de soupçonner son amour, pour oser de telles attitudes ! Leurs genoux se touchaient. À travers le mince tissu du peignoir, il sentait contre sa jambe la tiédeur de cette chair tant désirée. Une boucle de cheveux frôlait son men-