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Mademoiselle Séraphine


Depuis trente ans, Mlle  Séraphine est caissière à la Grande Confiserie Parisienne, le plus beau magasin de la place d’Armes. Trois patrons se sont succédés dans l’établissement. La boutique s’est transformée. Les fillettes qui venaient autrefois acheter deux sous de berlingots sont devenues des mamans. Les enfants qu’elles amenèrent à leur tour sont maintenant des jeunes filles, de grands gaillards déjà moustachus. Tout a changé, évolué. Seule, Mlle  Séraphine est restée pareille, menue et silencieuse, à peine un peu plus jaunie, un peu plus ridée, dans son éternelle robe noire qui semble être toujours la même et ne pas vieillir plus qu’elle.

Chaque patron, en s’en allant, a dit à son successeur : « Surtout, gardez bien Mlle  Séraphine, c’est un trésor, cette fille-là. » Et il manquerait quelque chose à la clientèle, aux belles dames qui viennent grignoter des gâteaux, entre quatre et six heures, si l’on ne voyait plus, derrière le comptoir, le sourire si perpétuellement poli de ses lèvres minces et exsangues, sa calme activité de bonne employée toujours penchée sur ses livres, indifférente aux mille potins jacassés autour d’elle.

Au moment des repas, ou quand la boutique est déserte, Mlle  Séraphine ne se mêle pas aux babillages