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Page:Ista - Contes & nouvelles, tome II, 1917.djvu/82

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des demoiselles de magasin, toujours occupées à se dénigrer mutuellement, à médire des clientes et de leurs toilettes. Sa voix douce n’intervient que pour apaiser les querelles, réconcilier deux amies brouillées, faire entendre de sages appels à la modération, quand les commérages deviennent trop agressifs ou trop dangereux : « Chut ! mesdemoiselles ! Ce n’est pas gentil, ce que vous faites-là… Sans compter qu’on peut vous entendre… »

Aussi, toutes sont d’accord pour reconnaître les qualités exceptionnelles de la caissière, sa douceur imperturbable et son esprit de bonne camaraderie. On la consulte volontiers dans les cas difficiles, à propos des amourettes ébauchées aux jours de sortie. Elle donne de sages conseils, honnêtes et prudents, et l’on sait par expérience qu’elle ne commettra pas ensuite la moindre indiscrétion.

Quant au curé de la paroisse, il déclare que Mlle Séraphine est une sainte. Car elle est pieuse, très pieuse, allant chaque jour à la première messe, se levant à la chandelle, par les frissonnantes nuits d’hiver, pour gagner l’église de son pas silencieux et paisible, dans l’obscurité lourde et angoissante des rues encore endormies. Au retour, c’est elle qui éveille ses camarades, frappant dix fois s’il le faut à la porte des paresseuses qui s’attardent dans la tiédeur des draps, mettant une patience inlassable à leur éviter d’être grondées pour une entrée tardive au magasin.

C’est un modèle… c’est un trésor… c’est une sainte… Tout le monde, à l’envi, chante ses louanges. Elle ne paraît pas s’en apercevoir, toujours effacée, modeste et silencieuse.

La lecture est son seul plaisir avoué. Sitôt la journée finie, tandis que les autres demoiselles s’attar-