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LOLOTTE. — Ah mais non, mon vieux, j’marche pas !… J’suis bien trop intelligente pour en avaler une pareille. J’étais encore qu’une gosse, en quatre-vingt-treize, mais si on avait guillotiné une reine, j’m’en rappell’rais bien.

MOLESQUIN. — C’était en 1793… Tu ne peux pas te souvenir de ça, voyons !

LOLOTTE. — Tu m’en diras tant… Et Henri IV, puisque c’est un anarcho qui l’a descendu, on l’aura mis au Panthéon, bien sûr ?

MOLESQUIN. — Non.

LOLOTTE. — C’est pas juste, puisqu’on y a mis Carnot… J’ l’ai visité, moi, l’Panthéon, un jour qu’i lansquinait et qu’ j’avais pas l’rond pour prendre l’autobus.

MOLESQUIN. — Tu as vu les fresques de Puvis de Chavannes ? Qu’en penses-tu ?

LOLOTTE. — Les quoi ?

MOLESQUIN. — Les fresques, les peintures.

LOLOTTE. — Ah oui ! Des bonshommes, sur les murs… C’est pas mal, c’est rigolo…

MOLESQUIN. — C’est une opinion.

LOLOTTE. — Eh ben, mon vieux, qu’Henri IV soit enterré au Panthéon ou au Père-Lachaise, j’suis pas fâchée qu’on ait causé d’tout ça… C’est toujours bon d’ s’instruire, pas vrai ?… Moi, j’suis bien trop intelligente pour dire comme celles qui prétendent que l’instruction n’sert à rien.

MOLESQUIN. — Si tu continues à t’instruire comme aujourd’hui, tu vas devenir bigrement savante.

LOLOTTE. — Ça n’ s’rait rien d’ trop, mon vieux. Tu n’ t’imagines pas c’que le hommes sont exigeants, sous c’rapport-là. Figure-toi qu’hier j’ai fait la connaissance d’un vieux monsieur… Ah ! j’lui ai rien