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Page:Ista - Contes & nouvelles, tome III, 1917.djvu/36

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La Villa Belle-Humeur


Monsieur et Madame Pic sont assis aux deux extrémités du salon de leur villa Belle-Humeur, à Bois-Colombes. (C’est le propriétaire qui fit inscrire ce nom sur un des montants de la grille. Monsieur et Madame Pic ne sont que locataires.) Les sourcils tragiquement froncés, Monsieur a l’air de préméditer un assassinat. Les yeux blancs, un pli amer au coin de la bouche, Madame semble hésiter entre divers modes de suicide. Silence absolu. Ne vous effrayez pas, c’est comme ça depuis vingt ans : Monsieur et Madame Pic ne se parlent jamais dans le tête-à-tête. Ils se rattrapent dès qu’il y a quelqu’un. Entre leur fille Angèle. Toilette très soignée, mais qui s’efforce de paraître simple. Des rubans à la main.

ANGÈLE. — Je suis prête ; je n’ai plus qu’à me nouer un ruban dans les cheveux. Lequel me conseillez-vous ?

 Ensemble : Mme PIC. — Le blanc !
M. PIC. — Le rouge !

ANGÈLE. — Je choisis le mauve ; sinon, nous n’en finirons pas. À quelle heure arrive le train ?

 Ensemble : Mme PIC. — À 2 h. 52 !
M. PIC. — À 3 h. 27 !

Mme PIC. — Décidément, mon mari devient tout à fait gâteux !

M. PIC. — Angèle, consulte l’indicateur. Ta mère est folle.