Page:Ista - Contes & nouvelles, tome III, 1917.djvu/39

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homme, que vous fumez également beaucoup. Méfiez-vous ; rien n’est plus mauvais pour la mémoire.

ANDRÉ. — Madame… Monsieur… je ne croyais pas… Je vous jure que je n’avais pas l’intention… Du reste, cela importe peu… Depuis le jour où j’ai eu le bonheur de voir votre aimable fille, où que ce soit…

Mme  PIC, à son mari. — Avez-vous bientôt fini de balancer ainsi votre pied ? Vous savez bien que ça me donne le mal de mer !

M. PIC, qui balançait son pied d’une façon imperceptible, amplifie le mouvement jusqu’à porter sa pantoufle à trois doigts de la moustache d’André. — Continuez, jeune homme, et ne faites pas attention à ce que bougonne cette insupportable radoteuse.

Mme  PIC. — Je ne permettrai pas qu’en présence d’un étranger…

ANDRÉ, les mains jointes. — Madame… Monsieur… Je vous en supplie… En des circonstances aussi solennelles… Je suis déjà très troublé… Depuis que j’ai eu le bonheur de voir…

 Ensemble : Mme  PIC. — Mais laissez donc parler Monsieur André !
M. PIC. — Madame ! Pour la dernière fois, je vous ordonne de vous taire !

ANDRÉ. — Depuis que j’ai eu le bonheur…

La pantoufle de M. Pic, balancée avec une énergie croissante, quitte le pied qu’elle chaussait et va frapper André en pleine poitrine, interrompant son discours une fois de plus.

Mme PIC, allant et venant comme une furie. — Il insulte mon hôte ! Il insulte le prétendant de ma fille ! Il lui a donné un coup de pied ! À Charenton !