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Bras dessus bras dessous, ils allaient entendre la messe, non qu’ils eussent au point de vue religieux des convictions bien arrêtées, mais parce que telle avait toujours été leur coutume.

La messe finie, ils rentraient chez eux par le même chemin qu’ils avaient pris à l’aller.

Dans leur petit salon sentant le moisi, où l’on ne pénétrait jamais que ce jour-là, ils s’installaient, face à face, dans les deux fauteuils raides et inconfortables, soigneusement couverts de housses grises, qui étaient placés en face de chaque fenêtre. Madame ravaudait des bas ou des chaussettes, Monsieur frottait ses grosses mains sur ses maigres cuisses, lentement, en regardant sans fin, sans lassitude, une branche d’arbre secouée par le vent.

Ils échangeaient de rares paroles, avec de longs intervalles de silence, sur des sujets d’une banalité absolue. Le plus souvent, ils ne disaient rien, n’ayant rien à se dire. Et ils passaient ainsi la journée, face à face, dans les mêmes attitudes, à la même distance l’un de l’autre que quand ils s’asseyaient, les autres jours, devant la cheminée de la cuisine.

Ils n’avaient jamais eu d’enfants, ne recevaient pas de visites, ne comprenaient pas qu’on allât se promener par les rues ou dans la campagne, quand on pouvait rester assis chez soi, bien tranquillement. Et l’idée ne leur était même jamais venue d’entreprendre un voyage, pendant les courtes vacances que l’administration accordait chaque année à ses employés. Orphelins tous deux dès avant leur mariage, ils n’avaient eu qu’un seul chagrin depuis cette époque : un ouragan s’était abattu sur la petite ville, arrachant les toits et les persiennes, renversant les cheminées, et ils avaient dû payer six cents francs pour faire