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Page:Ista - Par un beau dimanche, 1921.djvu/132

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par un beau dimanche

regard noir et fixe sur ses paupières clignotantes, puis grommela : « Bon… Bon… » Il passa ses paumes sur le vêtement tout trempé, les regarda, les flaira de nouveau, puis grogna un sourd : « Pas bon… » Tenant sa main gauche, qui ruisselait, soigneusement dressée devant lui, il essuya l’autre à sa blouse, la plaqua sur la redingote de Hougnot, la retira à peine humide, et compara ses deux paumes avec attention. Alors, très simplement, il écarta Hougnot du feu, d’un irrésistible coup de coude, prit le jeune repêché par les aisselles, et, avec une douceur très relative, l’assit sur le billot, à la meilleure place, tout contre le foyer.

Ahuri, suffoqué par l’indignation, l’évincé bégaya :

— Ma place ! Il me prend ma place ! Et pour la donner à celui-là !

Comme mû par un ressort, le jeune et intéressant noyé sauta de son billot, et murmura quelque chose qui se terminait par « mille et mille pardons ». Mais l’idiot le rassit d’une brusque poussée sur les épaules, puis braqua vers Hougnot de tels regards que le pauvre homme se crut perforé d’outre en outre, et recula prudemment jusqu’auprès du docteur, auquel il demanda d’une voix basse et un peu tremblante :

— Il ne va pas me battre, au moins ?

M. Brusy sursauta d’un air de protestation indignée, puis se calma soudain, et murmura avec un geste dubitatif :

— Ne le contrariez pas, c’est plus prudent.

L’autre, terrorisé, se fit tout petit dans son coin. Le docteur le contempla d’un air de jubilation intense. Et il pensait, s’abandonnant sans vergogne aux vieilles férocités ancestrales :

— La vengeance est un plat qui se mange froid, et même mouillé.