Page:Ista - Par un beau dimanche, 1921.djvu/172

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mes !… Et ces gens croyaient cela !… Et ils en riaient, méchamment… Et ils le répéteraient… partout… L’histoire allait s’étaler, se répandre… Et chaque fois qu’elle entendrait rire, dans son dos, elle ne pourrait se retourner pour crier : « Ce n’est pas vrai !… Ce n’est pas vrai !… » Et cela allait durer toujours… Tant qu’elle vivrait, on dirait cela d’elle !

Retenant à peine une espèce de hurlement qui gonflait sa gorge, un bruit étrange, inconnu, qui l’étonnait elle-même, Marie s’enfuit, n’importe où, comme la bête qui, blessée une seconde fois, s’affole, oublie jusqu’à ses ruses instinctives, n’agit plus que par un suprême réflexe et court au hasard, à découvert, machine dépourvue de pilote mais dont les rouages fonctionnent encore. Elle sentait ses joues brûler, sa bouche béer, ses yeux s’écarquiller malgré elle, et de grands chocs sourds frapper dans sa tête, douloureusement. Elle fuyait, hagarde, éperdue, se cognant parfois le crâne à coups de poing, en bégayant :

— C’est trop !… C’est trop !… Je ne veux pas !… Je ne veux plus !

Sous ses pas, le chemin se rétrécissait, devenait un simple sentier de pêcheurs, zigzaguant, parmi d’énormes pierres éboulées, entre la rivière murmurante et une haute muraille de rochers à pic, dont l’ombre épaisse s’étalait jusqu’au milieu de l’eau, tandis que le clair de lune argentait doucement l’herbe des prés et le feuillage des saules, sur la rive opposée.

Marie courait, les poings aux tempes. De temps à autre, elle criait : « François !… François ! » sans savoir ce qu’elle disait, sans espérer, sans attendre une réponse. Dans sa tête, les grands coups frappaient toujours, réguliers et continus, comme s’il y avait là quelque chose de gros qui travaillait pour s’évader de son crâne devenu