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par un beau dimanche

sous son pied, dès la troisième enjambée, et s’abattit, la tête la première.

— Plouf ! cria l’eau sombre en se refermant.

Sur la berge, il y eut comme une ruée de bête fauve bondissant vers sa proie, à toute allure, à travers les buissons, parmi les pierres roulantes. L’eau cria « Plouf ! » une seconde fois, puis tout redevint calme, silencieux.

Au ciel, le bord d’un gros nuage écorna le disque de la lune, la couvrit en entier pendant quelques secondes, noyant dans les ténèbres la vallée tout entière. Puis l’astre reparut, peu à peu, et ses rayons, là-bas, par l’échancrure de la carrière abandonnée, argentèrent de nouveau l’onde qui coulait, rapide et bruyante, sur son lit de cailloux.

Dans la vaste flaque de demi-lueur bleuâtre, une masse nombre bougea, lentement, péniblement, puis émergea peu à peu. Et ce fut un homme, debout dans l’eau jusqu’à mi-jambes, rejeté en arrière par le poids du lourd fardeau qu’il serrait sur sa poitrine. Le courant venait se briser contre ses genoux, puis se séparait en deux longues raies de lumière qui ondulaient derrière lui, à mesure que ses pas le rapprochaient de la rive.

Dans la grande salle de l’auberge, M. Hougnot, pour siroter son grog consolateur avait exigé qu’on lui allât quérir un fauteuil et deux oreillers de plume. Il avait bu à petits coups, bien à son aise, tandis que Joséphine tenait le verre, et que Mme Vireux tournait la cuiller de temps à autre. Cette première ration lui avait à peine rendu la force nécessaire pour en commander une seconde, qu’il était en train d’absorber avec le même cérémonial. Entre deux gorgées, il poussait parfois un gros soupir, puis murmurait faiblement :