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par un beau dimanche

nuit les vieilles rides de son front moite et brûlant. À plusieurs reprises, il aspira largement, à pleins poumons, les balsamiques parfums qui s’exhalaient de la terre humide et des arbres lavés par l’averse. De toute la nature en repos émanaient une grande paix, une grande douceur, qui pénétraient en lui, peu à peu. Déjà calmé, rasséréné, oubliant ses rancunes et ses aigreurs d’un instant, il sourit, dans le noir, à quelque chose d’invisible, et murmura de sa voix la plus bénigne :

— Non, mon vieux Pascal, tu ne réclameras rien à personne, si ce n’est à toi-même, et pour faire autant que jadis avec des moyens plus restreints… Non, l’égoïsme n’est pas la seule raison d’être des humains… Il est bien plus souvent la cause de leurs tristesses, la source de leurs dissensions, de leurs pires calamités… Tu es plus heureux que les gens qui te grugent, mon vieux Pascal, car ton bonheur est de ceux que l’on conquiert sur soi-même et qu’on ne ravit point aux autres… Nul ne pourra jamais te dérober la satisfaction de l’humble tâche quotidienne accomplie avec sincérité, la fierté de penser noblement, la jouissance de ne mordre qu’au pain bien gagné, la joie de faire un peu de bien, et la douceur infinie de tes longs sommeils d’enfant, que n’écourtèrent jamais les rêves insensés de l’envie et de l’ambition, les calculs excédants et toujours à refaire de la cupidité, de l’avarice et de l’hypocrisie… Ta part est belle, mon vieux Pascal, et tu serais un bien grand sot si tu songeais à envier ceux qui te dépouillent, si tu cessais de croire que tout notre bonheur possible se forme en nous-mêmes, que jamais une parcelle de joie vraiment pure n’a été dérobée dans le bonheur d’autrui.

Là-haut, devant lui, la petite lueur gravit soudain, en quelques bonds, le sentier oblique