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par un beau dimanche

sible, avec un manque complet de faste dont la parcimonie de la nouvelle épousée put s’excuser sur ses deuils encore récents.

Le lendemain des noces, Séraphie, levée comme de coutume dès quatre heures du matin, éveilla son mari en lui enjoignant d’aller sortir les vaches de l’étable. Eudore répondit par un ronflement. Elle répéta son ordre, il répliqua par un juron. Elle éleva la voix, en le secouant par l’épaule, et reçut aussitôt un coup de pied qui l’envoya rouler à plusieurs pas au lit. Dressé pour une minute sur son séant, Eudore lui déclara ensuite, d’une voix calme, mais très ferme, qu’il était décidé à ne jamais se lever avant neuf heures et flanquerait une pile soignée à celui ou celle qui se permettrait de l’éveiller plus tôt. Puis il se tourna vers la muraille et feignit de se rendormir, sans plus répondre aux reproches et aux lamentations de la vieille. Après une demi-heure de criailleries, Mme Pocinet se résigna à descendre seule. Le mariage ayant mis bien des choses en retard, elle dut sortir, ne put rentrer qu’à midi, et trouva Eudore installé sur le seuil de l’auberge, ivre déjà comme un sonneur, chantant la Mère Godichon et hélant à pleine gorge tous ceux qui passaient sur le chemin pour leur verser gratuitement à boire, ce dont il s’acquittait avec conscience et générosité.

Séraphie éclata de nouveau en reproches et reçut du tac au tac une formidable roulée de coups de poing et de coups de pied. Le calme et le sang-froid d’Eudore, qui frappait avec conviction, mais sans colère, prouvaient du reste qu’il n’agissait pas ainsi par méchanceté ou par mauvaise humeur, mais par système, en vertu d’un plan depuis longtemps mûri et arrêté. La vieille essaya bien de riposter à coups de griffes, mais sans le moindre succès, et fut corrigée de façon à lui ôter l’envie de recommencer jamais. Le mari