resta maître du champ de bataille, ne dessoûla pas de la journée et exprima sa volonté formelle de ne plus travailler, de ne jamais s’occuper de rien, fût-ce d’un ordre à donner aux valets, puisque ses moyens lui permettaient désormais de vivre sans rien faire.
Le lendemain, dès l’aube, Séraphie partit pour la ville, y consulta un avocat et s’en revint fort penaude. En lui faisant redouter des frais qu’il affirmait formidables, et surtout l’obligation de révéler le chiffre exact de sa fortune, Eudore avait su persuader à la vieille de se marier sans le moindre bout de contrat. Les époux vivaient donc sous le régime de la communauté et le mari était le seul maître, libre de faire vendre la ferme si la fantaisie l’en prenait. Restait le divorce coûteux, aux résultats aléatoires et lointains, tellement réprouvé, du reste, par la mentalité ambiante, que pas un seul exemple ne s’en était encore produit dans la région. Mme Pocinet préféra s’en tenir au système que pratiquent avec une égale maîtrise les plus célèbres diplomates et les plus humbles paysans : attendre.
Dès lors, la maison devint un véritable enfer pour elle, un paradis pour son époux. Travaillant plus dur que jamais, se privant davantage encore, pour compenser tant bien que mal les pertes dont son cœur saignait, Séraphie dut confier la gestion de sa ferme à un étranger, renoncer au commerce si lucratif et à la plupart des opérations usuraires, restreindre son activité à la direction de l’auberge, aux soins du ménage, à une surveillance incessante du métayer et à d’interminables querelles avec lui, car elle le soupçonnait, bien entendu, de toutes les infidélités commises autrefois par ses parents à elle lorsqu’ils occupaient la même situation.
Eudore vivait dans l’auberge comme un soudard en pays conquis, buvant comme un trou,