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par un beau dimanche

— Je vais mieux, mon père… Ce ne sera rien, soupira languissamment la grande Joséphine.

M.  Hougnot demeura un instant interloqué, un peu dépité peut-être, à cette idée que sa fille ne serait pas gravement malade, n’aurait pas le droit de toucher sans rien faire l’argent d’autrui.

— Heu… C’est possible, dit-il enfin… Nous verrons ça dans quelques jours. En tout cas, si tu n’en fais pas une maladie, ton oncle te doit quand même un dédommagement pour cette farce stupide : une babiole, un colifichet… Un joli chapeau, par exemple…

— Ça fera deux aujourd’hui, pensa mélancoliquement le docteur, encore coiffé de son mouchoir noué aux quatre coins.

Toutefois, il promit le chapeau. Mais, alors qu’on ne lui demandait rien de plus, il eut le tort de vouloir s’excuser, et le second tort, incurable chez lui, de s’imaginer qu’on persuade plus aisément les hommes en se plaçant au point de vue général qu’en se plaçant à leur point de vue personnel.

— La crainte qu’inspire la vue d’un squelette, commença-t-il, est un vestige des antiques superstitions barbares. Pour chasser cette peur absurde, il suffirait, me semble-t-il, de se dire que chacun de nous possède en lui-même un squelette complet…

— Taisez-vous ! crièrent en même temps les trois autres avec des mines écœurées.

— Je ne dis pourtant que la vérité, continua quand même le docteur. Si nous n’avions pas de squelette, chacun de nous ne serait qu’un informe tas de boue, un lamentable animal rampant et visqueux, une des ébauches les moins réussies dans la série des êtres organisés. Sans squelette, pas de force, pas de beauté…

— Il ose trouver ça beau ! clama M.  Hougnot en brandissant sa canne vers l’objet de ses répu-