dans le cabinet de leur oncle, et s’en donnaient à cœur-joie du plaisir bien humain de fureter et de farfouiller partout chez autrui, de humer l’atmosphère ambiante, de manier les objets familiers, de déchiffrer les paperasses, avec l’espoir secret, inconscient peut-être, de découvrir l’indice d’un défaut, d’une tare ou d’un ridicule.
Soudain, un cri aigu retentit dans le cabinet. Les deux hommes, qui s’attardaient au jardin, se précipitèrent vers la fenêtre ouverte, et virent la grande Joséphine pâmée, évanouie dans les bras de sa sœur. Elle tenait encore en main le coin d’un rideau vert qu’elle venait de faire glisser sur sa tringle, pour découvrir, avec un indicible effroi, le rictus lugubre, le thorax ajouré et les jambes cagneuses d’un squelette complet.
— C’est une farce idiote, une farce monstrueuse ! clama M. Hougnot, en hachant à coups de canne les branches d’un rosier qui n’en pouvait mais. Vous avez voulu faire peur à mes filles, monsieur ! Vous avez prémédité de leur faire attraper l’épilepsie, la danse de Saint-Guy !
Le docteur, franchissant avec la prestesse d’un jeune homme l’appui de la fenêtre, couchait déjà Joséphine sur un canapé et lui faisait respirer un flacon de sels.
— Je vous assure, dit-il enfin, que je n’ai voulu faire peur à personne… Je ne pouvais me douter que vos filles allaient entrer ici à l’improviste… Et ma profession me donne bien le droit…
— Cette saleté ne se trouvait pas chez vous la dernière fois que nous y sommes venus ! Mes filles ne pouvaient donc savoir qu’il y avait pour elles du danger à pénétrer dans votre repaire !
— Du danger ?
— J’ai dit danger, et je maintiens le mot ! Si ma fille tombe malade, je mets à vos charges les frais qui en résulteront, sans compter les dommages et intérêts auxquels j’aurai droit !