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Page:Ista - Par un beau dimanche, 1921.djvu/87

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par un beau dimanche

l’exception. Au cours de la plus belle lune de miel, le mari et la femme luttent déjà sourdement, malgré eux, à qui portera la culotte. Le père ne fait un homme de son fils que par une lutte continuelle contre les tendances et les erreurs de la jeunesse. L’amour lui-même ne subsiste qu’au prix d’une lutte de tous les instants…

— Ça, c’est vrai ! dit M. Hougnot avec un sévère regard vers ses filles.

— L’amoureux lutte contre ses rivaux, continua le docteur. La romanesque amoureuse lutte contre le bon sens pratique de ses parents…

— Ça, c’est faux ! cria M. Hougnot. Mes filles ne se sont jamais permis de lutter contre mon bon sens pratique.

Joséphine poussa un gros soupir en songeant à ses trois mariages ratés. Le docteur, machinalement, regarda dans le jardin si certain chapeau gris ne pointait pas derrière ses rosiers, puis reprit d’un air rêveur :

— Oui, tout est lutte ici-bas. Or, il m’a fallu constater, après nombre d’expériences très diverses, mais également malheureuses, que je comptais parmi ceux que leur destin, c’est-à-dire leur caractère, a marqués d’avance pour être de perpétuelles victimes dans l’éternel conflit humain…

— Avouer cela, c’est avouer qu’on est un imbécile ! ricana M. Hougnot.

— Je ne ferai point cet aveu, protesta doucement l’oncle Brusy. Après une minutieuse et impartiale analyse de moi-même, je crois pouvoir déclarer, sans fausse modestie, que je suis fort bien doué sous d’assez nombreux rapports. Mais, si ces dons me sont de quelque utilité pour améliorer et embellir ma vie intérieure, ils me laissent sans défense en cas de conflit avec mes semblables, parce que mon caractère, par malheur, n’a que deux dimensions au lieu de trois.