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Page:Ista - Par un beau dimanche, 1921.djvu/95

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par un beau dimanche

La grande nièce eut un regard d’infinie pitié pour une pareille candeur.

— On peut très bien, répondit-elle, marchander une maison pendant six mois, et ne pas l’acheter en fin de compte. Ce sont des choses qui se voient constamment, et ça fait toujours six mois de gagnés.

— Alors, il faudra que pendant six mois, je vive dans un perpétuel roman, dont je devrai inventer moi-même les péripéties et les complications ? Cela ne rentre guère dans mes habitudes d’esprit, et vous m’imposez-là une terrible besogne, ma chère enfant.

Joséphine haussa les épaules, en un geste infiniment las.

— Comment feriez-vous donc, soupira-t-elle, si vous deviez vivre avec papa, et garder pourtant, chaque jour, l’argent indispensable pour faire marcher le commerce et le ménage ? Sachez que je ne dépense jamais cent sous, pour acheter des côtelettes ou payer une apprentie, sans avoir au préalable défendu cette pauvre somme contre le jeu, contre d’absurdes fantaisies, par vingt mensonges plus ardus, plus compliqués, que celui qu’on vous demande pour sauver la dot de Marie.

Et le docteur, en qui grandissait un secret mépris pour la facilité à mentir du pauvre laideron, sentit tout ce mépris se retourner, soudain, contre sa facile honnêteté de misanthrope qui cultive au désert de stériles vertus.

— Ma nièce, dit-il enfin, je vous demande pardon. Nous mentirons ensemble, désormais.

Puis il se tut, car Hougnot, tout essoufflé déjà, revenait se jeter dans un fauteuil, et intimait à son beau-frère l’ordre de lui verser un verre de vin.

— Cent mille francs ! cria-t-il encore après avoir bu goulûment. C’est bien entendu, mon