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A m’a mis la gueule en compote, la garce, pour peau de balle et balai de crin !

Zouzoune filait toujours, furieuse, dépitée, marmonnant d’une voix qu’enflait l’âpre rancune :

— Je veux bien y passer… Je suis toute prête… Mais avec quelqu’un qui soit plus gentil que ça… Pourvu que ce voyou n’ait pas trop déchiré mes nippes… Comment veut-on que j’aille l’offrir à quelqu’un, ma vertu, si je n’ai pas une culotte présentable à me coller sur le pétard !


iii


Ayant quitté l’atelier de couture, pour aller au magasin assortir du lacet, Zouzoune était restée absente un peu plus longtemps qu’il n’eût fallu, peut-être. Rentrant enfin, la petite se glissa à sa place accoutumée, et, se remettant à faufiler un ourlet avec une machinale prestesse, elle souffla dans l’oreille de sa voisine, la vieille Héloïse Cumouille :

— Ma chère, c’est aujourd’hui que ça va sauter !

— Quoi ?… Le Panthéon ? interrogea l’autre.

— Si le Panthéon saute, je m’en fous ! riposta Zouzoune… Je te parle de ma vertu… Ma vieille, dans le petit corridor qui est si obscur, je viens de me heurter à M. François Hallebard, le fils du patron. Je me suis effacée pour le laisser passer, comme de juste, mais il n’est pas passé tout de même… Oh là ! là ! Qu’est-ce qu’ils ont pris, mes nichons et mon pétard !… Il pelote rudement bien, ce joli garçon… Des petites titilles, des petites papattes d’araignées, des petits bébecs d’oiseaux gentils comme tout… C’est du travail autrement ficelé qu’avec des sales mecs que je connais… Et il embrasse ! Oh, ma mère !… Sûr que j’aurai pas besoin pour ma santé, aujourd’hui, qu’on me colle des ventouses sur le bout de la langue… C’est déjà fait, et richement… Enfin, pour le bouquet, il m’a demandé de passer au bureau, à quatre heures un quart, vu que son paternel décanille toujours à quatre heures tapant… Alors, il y a un divan, dans le bureau, et un chouette, encore !… Aussi, ma chère, s’il y a au monde une chose sûre et certaine, c’est que ma vertu va s’expatrier