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Page:Ista - Rosiere malgre elle, 1928.djvu/9

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dames, la poursuivait de ses assiduités, et qu’elle lui répondait en rigolant, selon son habitude : « Ah non, mon petit, t’es bien trop moche ! » Casimir lui tomba soudain sur le dos, et, à grands coups de pied un peu plus bas, la reconduisit au domicile maternel, comme si elle avait commis une faute épouvantable. Le soir même, accroupie au-dessus d’un fragment de miroir posé sur le carreau, la pauvrette faisait cette double découverte :

— Trois bleus sur le derrière à cause de Sosthène Flambard… Après tout, il n’est peut-être pas si moche que ça, ce jeune homme.

Et voilà pourquoi Zouzoune murmurait, sortant d’une longue rêverie :

— Non, c’est pas possible que je garde ça plus longtemps !

Puis elle ajouta, joyeuse, décidée :

— Chiche !… Adjugé !… Ce soir, on la donne à Sosthène, la vertu de Zouzoune !


ii


Zouzoune avait soigné ses dessous et mis sa seule culotte présentable, vous pensez bien, pour aller au rendez-vous assigné par elle à Sosthène Flambard.

C’était au boulevard Mortier, que longent, désuètes, ces pauvres vieilles fortifications vouées à disparaître, puisqu’elles ne peuvent plus servir qu’à défendre le xxe arrondissement contre une improbable agression des habitants de Bagnolet.

Mais ce n’est pas à ce genre d’effusion de sang que songeait la petite Zouzoune, marchant vers le sacrifice de la vertu. Naguère, à l’atelier, elle avait reçu les confidences d’une amie qui venait de faire le saut. (Métaphore très juste, après tout, pour dépeindre une aventure où l’essentiel est d’écarter les jambes.) Avec des mines pâmées, des roulements d’yeux extasiés, l’amie avait conté le délicieux émoi des premières caresses, timides d’abord, puis de plus en plus audacieuses, contre lesquelles on se défend avec énergie par en haut, pour mieux laisser aux mains assaillantes la liberté d’attaquer par