Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/138

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à sautiller sur les petites vagues du large. Kyra eut peur et cria :

« Ne va pas au milieu du fleuve !… Longe le port ! »

L’Arabe mania le gouvernail : nous revînmes vers la rive. Notre maison apparut sur le bord du plateau, dans sa tristesse désertique ; à côté, l’auberge avec les fenêtres ouvertes de nos chambres. Le canot les dépassa lentement, ainsi que la fourmilière du port, les innombrables voiliers, chalands et pontons ; et nous nous trouvions à l’autre bout, quand la chaloupe se dirigea vers une passerelle solitaire et accosta. À l’issue, le Turc nous attendait, debout. Il s’avança, salua Kyra d’une longue révérence et l’aida à sauter à terre. Elle en fut très flattée. L’homme avait de la grâce dans ses mouvements et des manières élégantes, que nous n’avions pas vues chez nos moussafirs hurluberlus.

Ah ! le pauvre cœur humain qui se livre à la joie de vivre !… Comme nous sommes aveugles !… Par quelle étourderie n’avions-nous pas remarqué la prompte et suspecte présence du Turc à notre arrivée, ainsi que son absence adroite, à notre départ ?

Il fut bien plus adroit encore. Devant son calme, sa réserve et sa barbe blanche,