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Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/167

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bouche il m’arrêta avec le même signe du doigt, et aussitôt, de l’autre main, il avança une figurine. Alors, hardi, je revins à la charge :

« Pardon, monsieur, savez-vous où se soignent les gens qui ont les yeux crevés ?

— Qui a les yeux crevés ? » hurla-t-il, fonçant sur moi, au point de me faire reculer de peur.

« Mais… ma mère… », balbutiai-je.

« Ta mère a les yeux crevés ? Et qui les lui a crevés ? » fit-il me toisant de la tête aux pieds.

« Pas les deux », dis-je, timide ; « un seul.

— Où ça ? Quand ? Comment ?…

— C’est mon père, en la maltraitant, à Braïla, en Roumanie… Il y a deux ans de ça. »

L’officier parut exaspéré. Se tournant vers son ami, il répéta, avec dépit, ma phrase :

« Une femme qui est battue en Roumanie, il y a deux ans, qui se fait crever un œil et qu’on cherche aujourd’hui à Constantinople !… Comprends-tu quelque chose à ça, Moustapha ?

— Oui, oui… je comprends ! » fit l’autre ; « mais il faudrait examiner cela de près, et pas ici. »

Et caressant ma joue, il ajouta :