Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/200

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Ma vie se gâta. Et il n’y avait pas même quinze jours que je la goûtais librement. Une main invisible, longue de Constantinople à Beyrouth, menaçait de nouveau ma liberté.

Mais une main bien visible et plus proche m’intima, le soir de ce tête-à-tête, une note de vins étrangers et de gâteaux secs équivalant au coût d’un mois de pension. En payant cette note, je pensais : « Avec ça et ma bague, j’apprends que ma liberté est malade. »

Quelques jours après, j’appris jusqu’à quel point elle l’était.

Inséparables à l’apéritif, la chanteuse et son époux devinrent bientôt mes commensaux et presque mes pensionnaires. Un jour, pendant que nous étions à une partie de jaquet, un officier de police s’approcha et me dit :

« Vous habitez ici, Monsieur ?

— Oui, Monsieur », dis-je, étouffé.

« Eh bien, soyez assez bon pour aller demain dans la matinée faire viser vos papiers au bureau de police. »

Et saluant gracieusement mes compagnons, il s’en alla. Moi, je me sentis enfoncer sous terre.

« Ne vous en faites pas ! » me dit ma protectrice. « Mon mari ira tout à l’heure