Je garde encore aujourd’hui, ici, au-dessus de mon estomac, le nœud, le vide qui se forma dans ma poitrine ce matin-là et faillit me tuer.
En chemise et en caleçons, je pirouettai autour de moi-même, et, sans savoir pourquoi, je me penchai par la fenêtre. Dans la cour, comme le jour d’avant, les mêmes gens fumaient autour de la fontaine : ils me semblèrent des fossoyeurs gardant un cercueil. Et, machinalement, voulant descendre l’escalier, je me jetai dans le vide ; je me relevai aussitôt, la figure ensanglantée, étouffant ; à l’arrivée du patron et des clients, je dis :
« Le… Kémir… »
Ils m’interrogèrent, tous à la fois et sur tout. Je ne pus dire autre chose que :
« Le Kémir…
— Eh bien, qu’est-ce qu’il a, avec son Kémir ?…
— Le Kémir… »
On me versa de l’eau sur la tête, on me lava la face pleine de sang, on me força à avaler de l’alcool.
« Parle maintenant ! » cria l’aubergiste en me secouant par l’épaule.
« Le Kémir… » gémissais-je sans arrêt.
« Sûrement, » conclut-il, « le voyou qui