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Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/212

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Dans les grandes détresses qui frappent les cœurs émotifs, ils s’habituent difficilement à l’idée que le malheur a eu lieu, et qu’il n’y a plus rien à faire.

Des promeneurs passaient à mes côtés ; des couples heureux, des femmes avec des enfants, de gros messieurs calmes et contents. Ils me regardaient en face et passaient. Ils ne voyaient rien. Ils ne comprenaient rien. Et moi, je mourais. Moi, j’étais seul à supporter un malheur insupportable pour mon âge, pour mon cœur et mon inexpérience.

Je marchais toujours. Je sortis du bois. La campagne syrienne, avec ses routes boueuses et les taudis des Bédouins, me parut vide de toute vie, pareille à mon corps. Avant de fixer mon regard sur quelque chose, ma main se portait à la ceinture, mon esprit répétait : « Je n’ai plus mon Kémir… » Et de nouveau l’asphyxie me prenait à la gorge.

Un enfant arabe, à califourchon sur un âne, passa lentement tout près de moi, traînant par la corde un chameau chargé de deux grosses balles qui oscillaient. La laideur de cette bête, aux yeux plats de gros serpent, me fit peur. Un peu plus loin, un Bédouin à la barbe noire, sauvage, au visage cuivré, arriva au galop de son che-