Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

minant son objet endommagé, pendant que les assistants se tordaient de rire.

Mais Stavro ne revoyait plus jamais les tabatières qu’il avait malmenées une fois.

Ainsi, Adrien avait commencé par aimer cet homme pour ses farces. Cependant, des choses étranges étaient venues le troubler et le rendre confus : parfois, en pleines rigolades et bêtises, Stavro, sérieux, se tournait vers Adrien et plongeait dans ses yeux un regard clair, tranquille et supérieur, comme nous faisons dans les bons et naïfs yeux d’un veau. Alors il se sentait diminué par ce forain, fasciné par cet illettré. Cela lui avait paru inexplicable, et il s’était mis à l’observer. Mais les occasions étaient rares. Le regard mystérieux et troublant qu’Adrien appelait secrètement « l’autre Stavro » apparaissait rarement, et rien que pour lui.

Toutefois un jour, — (c’était dix mois avant la rencontre dans le jardin), — accompagnant « le limonadier » chez son épicier, — un Grec vieux et taciturne, qui lui fournissait le sucre et les citrons, — il vit, soudain, apparaître « l’autre Stavro ». Adrien s’accrocha à ses yeux.

Rien qu’à eux trois, dans un coin du magasin peu éclairé, Stavro, tous les plis de