Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/44

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que chose qui jeta Adrien dans la terreur.

Mikhaïl, — qu’Adrien n’avait pas connu violent, — bondit sur son séant et cria une phrase retentissante et brève. Stavro imita son mouvement et répliqua sur le même ton. À partir de ce moment, un dialogue acerbe s’engagea entre les deux hommes qui se connaissaient à peine. Dans la nuit, noire à se crever les yeux, les phrases, les mots jaillissaient, violents, comme les coups dans un assaut d’escrime. On devinait que leurs têtes s’approchaient souvent jusqu’à se toucher ; que leurs yeux se fouillaient, impuissants ; que leurs bras se débattaient. Dans le cœur glacé d’Adrien, les voyelles de la langue turque résonnaient comme des gémissements de hautbois, et ses nombreuses et dures consonnes frappaient comme un roulement de tambour.

Adrien comprit la vérité ; il comprit aussi que Mikhaïl serrait Stavro comme dans un étau, et une grande pitié pour la misère de ce dernier lui gonfla la poitrine et le fit éclater en larmes. Sanglotant, il dit :

« Mais… parlez en grec ! Je ne comprends pas un mot ! »

Cette explosion de douleur brisa la dispute. Un lourd silence tomba sur la phrase d’Adrien, quand il demanda :