Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/68

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« J’appelai le père et la tante et je leur parlai. Le père, tout en aimant cette répugnante coutume, ne fut pas trop catégorique, mais la vieille soutint mordicus qu’elle devait être respectée, comme étant une tradition lointaine de la nation, gardienne de l’honneur.

« Nous en restâmes là, et la noce partit, par un bel après-midi de dimanche, avec le faste de l’époque, vers l’église : tout le monde à pied, sauf les deux cavaliers qui ouvraient le chemin ; venait ensuite le porteur des deux immenses cierges de Moscou couchés sur un gros plateau en argent ciselé, incrusté d’or ; puis, toute la société. Au sortir de l’église, les cavaliers reprirent les devants, déchargeant leurs pistolets, faisant flotter en l’air les longues serviettes nouées à leurs bras, et danser les chevaux aux crinières parées de rubans et tramées d’argent. Sur le plateau il y avait maintenant le pain et le sel de tradition. Immédiatement après, je me traînais, grelottant de peur et de misère, le cierge à la main et Tincoutza au bras ; elle, heureuse sous l’amas de la parure qui la cachait entièrement. Derrière nous, la noce, tout cela abasourdi par douze musiciens jouant de quatre instruments : violon, cobza, clarinette et cornet à piston.