Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/69

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Sur le parcours, des femmes qui revenaient de la fontaine versaient l’eau de leurs « cofas » sous les pas de la noce, souhait d’abondance.

« Et le soir, l’heure fatidique sonna pour moi. Il y avait à table une vingtaine d’invités, la parenté comprise. Les oraisons des crieurs nuptiaux déchaînèrent une joie débordante, et j’ai dû me mettre à l’unisson et répondre par des contes aux narrations des commensaux. Un de ces derniers, l’esprit chauffé par le vin, eut le mauvais goût de raconter comment une fois, dans son village, une jeune mariée étant trouvée fautive par son époux, avait été battue par celui-ci, la nuit même de la noce ; puis, le lendemain matin, il la jeta dans son char, le dos tourné aux bœufs, la face vers l’arrière où, au bout d’un bâton, se balançait un pot en terre cuite ayant le fond défoncé, et, avec cette parade, la rendit à ses parents terrifiés.

« Je regardai Tincoutza : elle restait calme, sûre de son innocence. Mais moi je m’épouvantai et criai que ce qui se passe entre deux époux ne regarde personne qu’eux-mêmes.

« Nous verrons tout à l’heure si cela ne regarde personne ! » répondirent quelques intimes.