heures de la plus forte félicité qu’on puisse goûter sur cette terre.
« Mais ces heures furent aussi les dernières qu’il nous était données de vivre ensemble. La grosse vague de la haine des hommes approchait.
« C’était vers la fin février… Nous avions notre plan arrêté : attendre encore un mois, et, vers la fin de mars, nous enfuir sur un voilier allant à Stamboul.
« Mais depuis quelques jours nous remarquions un changement singulier dans l’attitude de nos deux tyrans : ils avaient soudainement cessé de visiter ma femme le matin, ils ne la terrorisaient plus, et à moi, le vieux me dit un soir que je pouvais sortir et entrer à ma guise. J’en suis resté baba !… Je courus vers Tincoutza mais elle fondit en larmes :
« Je crois qu’un malheur nous guette ! » me dit-elle. « Je fais de mauvais rêves : je te vois la nuit entouré d’enfants qui pleurent, et moi, toute parée d’or et de pierres précieuses… C’est très mauvais. Ne sors pas !… Qui sait ce qui peut t’arriver ?… Nous supportons cet emprisonnement depuis dix mois ; souffrons le encore quelques semaines !…
« À ces paroles je sentis un poignard m’entrer dans le cœur et je me mis à trem-