Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/101

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Puis, d’un ton bienveillant :

— En bien, mademoiselle, veuillez nous raconter ce qui s’est passé.

Elle devint grave, un léger pli se creusa entre ses sourcils mordorés, et lentement :

— Nous avions décidé de recevoir M. Anoru dans ce petit salon. Une tasse de thé, une demi-heure de conversation, cela ne nous aurait pas conduites bien tard, et il nous eût été encore loisible de goûter une longue nuit de repos. À neuf heures moins cinq, on annonça le capitaine.

— À neuf heures moins cinq, vous êtes certaine de l’heure ?

— Absolument… J’étais très impatiente du contretemps ; j’avais hâte d’en finir avec un entretien… désagréable, vous comprenez… et je consultais fréquemment la pendule… Quand on annonça le visiteur, je dis même à maman : « Neuf moins cinq ; à neuf et demie, ta petite Linérès montera à sa chambre… » Je dis « tu » à maman quand nous sommes seules ; je sais qu’à Paris c’est beaucoup plus élégant de dire « vous »… mais je n’ai pas pu m’y faire.

« Bref, le capitaine est introduit… Il s’excuse de son insistance, donne des explications sur son voyage… Une course en Amérique à lui infligée par son gouvernement, une absence d’un mois… Il a tenu à pouvoir se rappeler à ma mémoire durant ce laps, à mettre le souvenir de garde auprès du pur diamant dont les facettes ont ébloui ses yeux, dont les angles ont rayé son cœur… Enfin, un discours de prétendant dernier japon… Je pensais : « Allez toujours, mon capitaine, le diamant en question ne craint pas « les voleurs, il va se dérober tout seul », mais avant de faire ma petite déclaration de principes, je servis le thé… là, sur la table… ; il est resté servi… Je versais l’infusion, presque une compatriote de notre hôte. Maman, très embarrassée, ce qui m’amusait, je l’avoue, répondait au capitaine par des phrases entortillées… Jamais je n’aurais cru maman capable de phrases aussi vastes…

Linérès eut un sourire.

— Je vous semble bavarde, mais je ne vous cache rien, pas même mes réflexions pendant que le thé passait de la théière dans les tasses. Notre vieux Fabricio venait d’entrer, portant une assiette de gâteaux secs. Il était debout derrière moi, cherchant où déposer son fardeau… Car le brave homme a le ser-