Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/100

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qui sévit sur ceux qui me font l’honneur de me trouver digne de leur nom, je comptais remercier M. le capitaine Anoru de sa démarche, puis lui déclarer que je ne songeais pas à me marier, et obtenir de lui qu’il renonçât à ses projets.

— Ah ! soupira la comtesse d’une voix dolente. Pourquoi ne lui ai-je pas écrit tout cela, au lieu de laisser ce malheureux jeune homme venir chercher la mort ici ?

M. Lerenaud esquissa un geste insouciant, le geste du fonctionnaire que l’accoutumance du crime a cuirassé de philosophie.

— Cette mort, fit-il lentement, motive ma présence chez vous, madame la comtesse, cette mort à propos de laquelle je souhaite réunir les renseignements les plus exacts.

La mère adoptive de Linérès poussa un gémissement.

— Que pourrais-je vous dire ? La foudre frappe… Elle passe… Elle disparaît… Il reste un éblouissement.

— Interrogez-moi, monsieur, interrompit Linérès, je répondrai de mon mieux.

Allan et le marquis s’inclinèrent sans en avoir conscience.

Ils saluaient, le courage. Si bas que nul ne le put entendre, l’Américain se confia cette opinion étrange :

— Celle-ci non plus ne sait rien… Elle n’est point complice… Une victime encore !… Pauvre enfant !

Cependant, la jeune fille installait affectueusement la señora de Armencita dans un fauteuil, lui faisant tourner le dos au cadavre.

Ce soin pris, elle revint se planter devant M. Lerenaud et répéta :

— Interrogez, monsieur.

— Ainsi ferai-je, mademoiselle, en vous remerciant de votre fermeté… Un détail, si minime qu’il soit, peut aider puissamment l’enquête… Veuillez rappeler vos souvenirs…

— Ils sont très précis, dit-elle. Je vous l’ai affirmé sans forfanterie, je suis brave… et si je me suis sentie profondément affectée par l’événement, mes idées ne se sont pas troublées un seul instant.

De nouveau, les trois hommes s’entre-regardèrent, et M. Lerenaud murmura :

— Une nature exceptionnelle.