Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/11

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poche, il lui suffira de laisser un petit souvenir pour moi, que dame Olinda me remettra à mon prochain voyage. Ainsi la noble hésitation du señor peut disparaître.

Cette fois, Pierre se prit à rire franchement.

— Dans ces conditions, j’accepte.

De fait, le jeune homme, désireux avant tout de se distraire de ses pensées couleur de suie, selon l’expression usitée à Béjar, ne pouvait rêver un compagnon plus assorti à ses souhaits. La faconde de Perez Caldero, son insouciant bavardage, ne devaient pas laisser au marquis la possibilité de se replonger dans ses réflexions moroses.

Un quart d’heure plus tard, tous deux, à califourchon sur des mules vigoureuses, suivis d’une douzaine de quadrupèdes de même espèce, qui marchaient librement dans les traces des bêtes de tête, s’éloignaient de la posada, en longeant la faille au fond de laquelle bouillonne le Tormès.

Si l’une des mules s’écartait, il suffisait à Caldero d’un clappement particulier de la langue, et l’animal se hâtait de rejoindre le gros de la manada (troupeau).

Le spectacle était sévère et superbe.

Partout des rocs, des pointes, des cimes, des crêtes bornaient la vue, offrant cette particularité étrange que les pentes tournées vers le nord se paraient de plaques vertes de végétation, tandis que celles qui regardaient le sud, n’offraient aux yeux que des rocs dénudés, stériles, brûlés par les vents chauds que l’Afrique souffle sur l’Europe.

Le chemin s’élevait peu à peu, serpentant à travers le chaos montagneux. Avec une verve intarissable, Perez contait sa vie, les anecdotes recueillies au cours de ses voyages. Carlistes, bandits, mendiants, gitanos, miquelets se mêlaient dans ses récits, entrecoupés d’indications du pays, ou d’encouragements à son compagnon.

— Quelle chaleur, señor ; un savant, que j’ai conduit un jour à Avila, s’est donné la peine de m’expliquer que sous la terre, il y a du feu… Catalane ! Cela se sent… Quoique, à vrai dire, le soleil qui tape sur les rochers suffise, lui aussi, à expliquer cette température d’étuve.

Puis, insinuant :

— Au retour, vous aurez moins chaud… Le soleil descendra vers l’horizon, et les pics vous feront de