Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/130

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accent, s’éloigne à pas lents, pour s’enfoncer bientôt dans l’une des rues aboutissant au quai.

Marahi est seule. Elle pousse un long soupir :

— Je puis obéir à présent. Je laisse derrière moi la semence de haine.

Elle regarde vers le haut du canal. Là, le quai est affecté au chargement et au déchargement des bois de charpente.

Sur le pier se dressent des amoncellements de planches, de solives, de billes de bois.

Elle semble hésiter un instant, puis un geste brusque indique qu’elle se décide.

— Non, fait-elle entre ses dents, je veux qu’il conserve l’espoir toujours. Dans cette lutte terrible, je ne dois me confier à personne, pas même à lui qui a toute ma tendresse, mais je ne veux pas qu’il souffre trop.

De qui parle-t-elle ?

À pas lents, elle remonte dans la direction que ses yeux observaient tout à l’heure. Elle s’éloigne des voitures, du débarcadère. Elle arrive à hauteur du pier des bois flottés.

Entre les morceaux de charpente elle se glisse, s’arrêtant aux angles des masses qui la cachent, pour jeter un regard rapide sur les espaces vides, avant de s’y engager.

Elle répète six fois ce manège. Elle est au milieu du dédale du port du bois. Les pyramides en cubes, formes qu’affectent les solives empilées, l’entourent de toutes parts. D’aucun point on ne la pourrait apercevoir.

Devant elle, des planches, symétriquement déposées les unes sur les autres, figurent une sorte de tour carrée. Elle les contourne sur la pointe des pieds, avance la tête et se rejette en arrière.

— Il est là, murmure-t-elle d’une voix tremblante.

Durant une minute, elle demeure immobile, son manteau est strié de frissons. On devine qu’elle tremble sous l’étoffe qui la dérobe aux regards.

Qu’a-t-elle donc vu de l’autre côté de la tour de planches ?

Le personnage qui y est assis, adossé à la façade, et paraît absorbé par la lecture d’un livre ouvert sur ses genoux, ne justifie point pareil émoi.

Marahi redevient maîtresse d’elle-même. Elle a un geste à l’adresse de l’inconnu. On croirait qu’elle lui tend les bras ; mais cette apparence doit être men-