Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/129

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— Il ne faut pas le brusquer cependant ; mais il convient de le forcer à se rendre là-bas, dans ce pays de la Californie mexicaine…

— Oui, vous avez raison, bonne mère Marahi. Il serait moins puissant qu’ici… Mais le moyen.

— Le voici, gentille enfant de l’Empire du Ciel (nom que les Chinois donnent à leur patrie).

La main sèche et brune de Marahi sort des plis du manteau.

Cette main tient un petit carnet, un de ces carnets modestes sur lequel les ménagères inscrivent les comptes de blanchisseuses.

Elle le tend à son interlocutrice, qui la considère avec étonnement.

— Lis ceci… C’est le moyen annoncé. Ce livret contient des renseignements ; Frey Jemkins paierait une fortune pour empêcher qu’ils fussent connus de toi et de ceux qui t’ont remis le soin de leurs intérêts.

Ah ! si le marquis de Chazelet se trouvait-là, malgré le capuchon, il reconnaîtrait, à son attitude dominatrice, la gitana de la passe de Castille. 

Sa voix devenue gutturale s’élève encore :

— Feuillette ce livre avant de nous séparer. Tu comprendras.

Et Rouge-Fleur tourne les pages.

Ce qu’elle y lit doit la surprendre prodigieusement, car une rougeur ardente envahit son visage, son sein se soulève, et d’un ton haletant :

— Tout cela est vrai, réel ?

— Tout cela est vrai, réel, comme notre présence sur ce quai, Rouge-Fleur.

La jeune femme s’incline si bas, que l’on croirait qu’elle va se prosterner.

— Oh ! bonne mère Marahi, murmure-t-elle dévotieusement, mes amis sauront qu’ils te doivent la victoire.

Mais l’interpellée secoue la tête.

— Non, je ne veux pas que mon nom soit prononcé.

— Pourquoi ?

— Parce que les ans se sont appesantis sur ma tête, parce que la mort est proche pour moi, que mes espoirs de reconnaissance ou d’honneurs se sont éteints avec la jeunesse. Parce que, je veux enfin que toi, Rouge-Fleur, chère à mon cœur entre toutes, toi qui personnifies ma haine et ma vengeance, tu aies la gloire et le profit… Va !

Et la gracieuse Rouge-Fleur, dominée par son