Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/140

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Mais ses bras tendus dans le vide n’appelaient pas la pauvrette Linérès affaissée devant elle, stupéfaite et terrifiée ; ses regards ne se fixaient point sur la jeune fille.

— Lilian ! ma fille ! répéta la veuve en éclatant en sanglots.

Linérès voulut l’enlacer, lui crier les mots de tendresse qui montaient de son cœur à ses lèvres.

Jemkins la retint par le bras.

— Ne la troublez pas, laissez-moi diriger, si possible, le réveil de son intelligence.

Puis revenant à la veuve :

— Lilian, ce nom que vous aimez est celui de celle qui pleure auprès de vous.

— Ah ! Lilian !

Pour la première fois, les regards de l’insensée se portèrent sur Linérès.

— Lilian, redit-elle, n’est-ce, pas que c’est le plus doux des noms ?

Et comme la jeune fille se courbait devant elle, Mme Pariset éleva la main, caressa les cheveux de son interlocutrice.

— Le plus doux, prononça-t-elle encore, le plus doux. Enfant ! Je te bénis de t’appeler ainsi comme celle que la mort m’a ravie.

— Non, non, pas ravie… Celle-là, maman, c’est moi, s’écria impétueusement Linérès incapable de se contenir plus longtemps. C’est moi qui, sans vous connaître, vous devinais aux battements de mon cœur, à mes rêves d’une tendresse inconnue.

Elle s’arrêta figée, son tendre enthousiasme brusquement éteint. La folle répondait :

— Toi, toi… Pourquoi mens-tu à la malheureuse mère ? Prétends-tu me tromper ? On ne trompe pas celle qui a donné la vie. Lilian est morte. Sans cela mon amour m’eût portée vers elle. Je l’aurais reconnue parmi toutes les femmes.

Linérès se tordit les mains. Cette douleur-là, elle ne l’avait point prévue. Être repoussée par sa mère !

Déjà Chazelet, désespéré par la douleur imméritée qui s’abattait sur sa fiancée, s’avançait pour la soutenir… Jemkins le prévint.

— Lily, fit-il d’une voix rude, celle-ci ne ment pas. Elle est ta fille enfin retrouvée.

La veuve ne répondit pas. Tout son être, ramassé sur lui-même, sembla se raidir pour protester contre l’affirmation de son cousin.