Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/148

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je me suis faite le détective de votre âme afin de vous démontrer ma tendresse. Mais assez de paroles inutiles, c’est du chewing gum avant dîner, inutile[1].

Elle prit les mains de Lilian et mirant son regard dans celui de son amie :

— Pauvre chère chose aimée, fit-elle d’un ton caressant. La folle Grace est bien affectionnée pour la sérieuse Lilian. Aussi cette dernière va l’écouter sagement… Que risque-t-elle après tout ? De ne plus se débattre toute seule avec sa pensée.

Puis, vivement :

— Mais pas d’émotion. Cela est tout à fait inconvenable pour des jeunes filles, qui ne doivent connaître que l’étude et le rire. Grande pensée de miss Deffling, que je lui restitue honnêtement. Donc, il y a environ deux mois, ton frère vint te voir, ma chérie. C’était une visite d’adieu. Il se rendait en Europe dans un but dont il parlait mystérieusement. Est-ce bien cela ?

Lilian essaya de plaisanter :

— Ton enquête était facile. Je t’ai confié mes inquiétudes.

— Attends, attends, chaque chose viendra en son temps. Au milieu des explications plutôt obscures de ce frère, deux phrases m’ont frappée surtout. L’absence de Master Allan avait pour but de préparer une lutte de géants qui modifierait la situation.

— Hélas !

— Non pas hélas !… Une lutte suppose toujours un changement de situation dans le sens de l’amélioration… par suite, il faut s’en réjouir.

— Je ne puis pas… le ton, l’air de Jud, m’ont fait peur.

— Effet du mystère. Toutes les fois que l’on parle mystérieusement, on obtient un résultat analogue. Si tu savais ce qu’est la lutte en question, peut-être en rirais-tu !

Lilian secoua la tête.

— Je suis certaine que non.

— Et pourquoi, s’il te plaît ?

— Parce que j’ai conscience, la conscience vague

  1. Beaucoup d’Américains ont l’habitude, après le repas, de mâcher une substance analogue à la gomme à claquer de nos écoliers. C’est le chewing gum. Ils prétendent activer ainsi la salivation et faciliter par suite la digestion.