Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/149

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d’avoir couru bien des dangers avec Jud. Quels dangers, je ne saurais le définir, car jamais il ne m’a donné une explication, mais je ne me souviens pas d’avoir vu dans son regard pareille tristesse.

— Es-tu donc si sûre de bien lire dans ses yeux ?

— Oh oui ! s’écria Lilian, qui baissa aussitôt la tête, comme honteuse de cet élan.

— Cela est possible, murmura sa compagne d’un ton malicieux. Moi-même, je ne suis pas éloignée de penser qu’en ce qui concerne le professeur de West-Point, tu es plus clairvoyante qu’une sœur.

Toute la personne de Miss Lilian fut secouée par un frisson.

Une rougeur ardente couvrit son visage, et d’une voix tremblante, elle balbutia :

— Que prétends-tu exprimer ainsi ?

Doucement, Grace attira la tête de son amie sur son épaule, et baisant ses paupières baissées :

— J’exprime le résultat de la seconde phrase qui te frappa dans ta dernière entrevue avec Master Allan.

Et la jeune fille interrogeant d’un accent défaillant :

— Quelle phrase, je ne me souviens plus ?

— Je me la rappelle, moi. La voici. Il te dit : Soyez prudente, Lilian. Le danger rôde autour de vous. Quoiqu’il arrive, croyez que j’ai agi du mieux que je l’ai pu, et n’accusez jamais celui que vous avez appelé votre frère.

Des larmes coulaient sur les joues de Lilian. Grace les tarit de deux baisers.

— Ne pleure pas, vilaine, puisque je suis la consolatrice.

Puis vivement :

— Ceci prononcé, Master Allan te quitta brusquement, comme s’il avait regretté de s’être laissé entraîner à des paroles trop explicites.

— Oui, oui, et depuis ce jour…

— Depuis ce jour, ma chère Lilian se demande si celui qu’elle a appelé son frère, est bien son frère.

— Eh ! Qui, à ma place, n’aurait cette pensée ?

— Tout le monde l’aurait, ma Lilian, mais peut-être tout le monde n’y aurait-il pas trouvé à la fois joie et douleur.

La jeune fille fixa sur son amie un regard éperdu.

— Ma chère Lilian, je t’en prie, ne me considère pas ainsi… Je te jure que si je me suis inquiétée de te voir songeuse, absorbée ; si j’ai noté certaines exclamations, certains gestes de toi, c’est que je sentais en toi une souffrance.

Et l’enlaçant, se faisant douce comme une mère