Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/15

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mais l’annonce de la richesse future le flattait dans son orgueil, ce sentiment noble entre tous, parce qu’il pousse l’individu à être quelqu’un.

Il s’était juré d’expier ses folies en réédifiant une fortune, et la gitana, semblant répondre à sa pensée, lui disait :

— Tu feras ce que tu as décidé.

Aussi, inconsciemment pris par le rapprochement qui s’imposait à son esprit, questionna-t-il :

— J’aurais donc raison de partir pour l’Amérique ?

Sans la moindre apparence d’hésitation, absolument comme si les idées du jeune homme lui étaient connues, la vieille femme répondit :

— Oui.

Mais elle ajouta aussitôt :

— Seulement la fortune ne te viendra pas du négoce, ainsi que tu le penses.

— Ah bah !

— Non, non… Elle naîtra de ta tendresse, de ton dévouement.

Il sursauta.

— Tendresse ! Dévouement ! redit-il d’un ton léger.

Tu erres, bonne femme.

— Ramrah n’erre jamais.

— Naturellement, tous les nécromanciens déclarent la même chose. Tu me permettras cependant de t’assurer que je suis certain d’avoir le cœur absolument libre et…

Un rire grelottant de la femme coupa la phrase de Pierre.

— Il se croit libre !… Il se croit libre !… Ah ! ah ! ah !

La voix de la gitana sonnait étrangement dans le cirque de rochers. Elle prenait des inflexions extrahumaines.

Et Chazelet, à sa profonde surprise, sentit un léger frisson courir sur son épiderme.

Mais la bohémienne reprenait :

— Ta destinée est belle…

— Tant mieux, balbutia Pierre, tentant un suprême effort de plaisanterie.

— Elle est attachée à deux grands yeux, étoiles qu’Aldébaran a confiées à la terre.

— Ma foi, J’en accepte l’augure. Mais un gentil-