Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/16

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homme, ruiné aussi complètement que moi, n’exerce guère d’attraction sur les étoiles.

— Et cependant ces yeux-là regardent vers toi. Ils t’espèrent.

Un haussement d’épaules échappa au marquis.

— Eh ! bonne femme, il existe sur la surface du globe, environ cinq cents millions de personnes appartenant au sexe gracieux… sans te compter, ajouta-t-il avec un sourire narquois. Si tu restes dans les généralités, inutile d’aller plus loin. Comment veux-tu que je reconnaisse l’aimable enfant qui m’espère, avec, sous ses longs cils, les étoiles d’Aldébaran !

Mais Ramrah ne se troubla point.

— Incrédule, grommela-t-elle seulement, incrédule et léger comme tous ceux d’au delà des monts (les Français).

— Pardon, pardon. Mon incrédulité n’est pas systématique. Mais pour croire, il faut…

— Voir, acheva nettement la femme.

— Justement, approuva le marquis avec moins d’assurance, car le ton de son interlocutrice l’impressionnait de nouveau.

Un instant elle riva son regard sur celui du jeune homme, puis lentement :

— Tu es bon, rico hombre… Je te pardonne tes doutes… Tu verras celle dont tu as tort de parler légèrement, car elle sera la compagne de ta vie.

D’une voix douce, monotone, les mots se succédant sur ses lèvres comme des flots berceurs sur la grève, elle prononça :

— Les zingares, nos ancêtres à nous, les gitanas d’Espagne, venaient de bien loin vers l’est, où les anciens plaçaient le support du monde ; de là où les modernes ont supposé le paradis terrestre ; de cet endroit que les savants, négateurs de rêves, appellent cependant le mystérieux plateau central asiatique.

Le marquis l’écoutait, pénétré d’un respect incompréhensible, presque courbé sous l’autorité du geste, de l’accent de cette étrange mendiante.

Elle continua :

— Crois-tu qu’un territoire, où l’unanimité des hommes les plus divers d’esprits, de croyances, de savoir, ont reconnu d’instinct un centre ; crois-tu que ce territoire n’ait point de vertus particulières ? La terre du mystère a porté, a nourri des créatures éprises de mystère. Avec les fruits, les végétaux jaillis de cette terre, les êtres ont absorbé des forces incon-