Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/172

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— L’heure n’est point venue. Mais je supplie le Sénat de ne point répondre à l’orateur.

— Ne point me répondre ! tonitrue Jemkins.

— Tais-toi. Si tu as raison, que t’importe ? Les tribunaux ne te donneront-ils pas gain de cause ? Mais une réplique de cette honorable assemblée figurerait au procès-verbal et constituerait une pièce quasi officielle de nature à influencer les fonctionnaires et magistrats chargés d’assurer l’envoi en possession de l’héritière de Pariset assassiné.

Le milliardaire écumant, voulant discuter encore, l’invisible prononce rudement :

— Garde le silence. Crains que le crime impuni ne monte à tes lèvres.

C’est une stupeur dans la salle. On ne respire plus.

— Eh bien, moi, marquis Pierre de Chazelet, s’écrie un organe généreux, moi, je suis prêt à donner mon nom, sans tache et sans honte, à celle que l’on accuse…

C’est Pierre. Il s’est levé brusquement. Il apparaît à tous, beau de son exaltation, qui lui a fait prendre la parole en faveur de Linérès, pâle, tremblante, prête à défaillir, appuyant son front sur l’accoudoir de la tribune.

Lilian elle-même est saisie de pitié pour cette jeune fille, en qui cependant tout lui indique une ennemie.

Et comme pour approuver ce sentiment, la voix mystérieuse s’élève des rangs des sénateurs.

Elle est douce maintenant, et tendre, et caressante.

— Nul ne l’accuse… La señorita Linérès est une victime… Le marquis de Chazelet est une victime.

Mais le speaker frappe son bureau du mace qu’il tient à la main.

— Nous allons mettre aux voix la motion présentée à l’assemblée par l’honorable Frey Jemkins.

— Avec inscription au procès-verbal de la discussion, fit railleusement la voix, cela est de droit.

Frey livide, le visage décomposé par la fureur, tend les poings dans le vide, menace vaine à l’adresse de son insaisissable adversaire, et d’un accent enroué par l’excès de son irritation :

— Je ne puis m’opposer à l’inscription au procès-verbal, mais ceci pouvant être invoqué plus tard contre les droits de ma petite cousine, je demande au Sénat de vouloir bien considérer ce qui vient de se passer comme une discussion particulière, hors