Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La prison, édifiée sur la pente de la colline de Fall, se compose de deux « quartiers distincts ».

Celui des mineurs, celui des condamnés ayant dépassé leur seizième année.

Le premier est moins élevé d’une quinzaine de mètres que le second. Une haute muraille à pic le borne, muraille dont le sommet marque le niveau du « quartier supérieur ».

Sur ce mur est fixé un long tuyau de zinc, qui fait descendre les eaux des rigoles de la cour d’en haut, dans celles de la cour inférieure, à l’extrémité de laquelle un déversoir les conduit au dehors.

Or, le surlendemain de son emprisonnement, Jud, au moment de la récréation accordée aux jeunes détenus, s’était étendu au pied du grand mur et se laissait, avec un plaisir évident, baigner par les rayons du soleil. Le petit vagabond semblait vouloir faire provision de chaleur et de lumière pour l’hiver tout proche.

Ses compagnons de captivité l’avaient déjà reconnu comme chef, grâce à quelques coups de poing appliqués avec maestria. Aussi l’avaient-ils laissé seul, évitant de troubler sa sieste.

Jud avait fermé les yeux, non pour dormir, mais pour regarder en dedans de lui-même. Au fond de sa juvénile pensée, il voyait des choses étranges souvent entrevues déjà, et entre autres l’iniquité d’une société qui le retenait prisonnier, uniquement pour avoir accompli un acte de justice.

De justice, parfaitement.

Qu’avait-il fait, en somme ? Il avait défendu une enfant inconnue, coupable seulement de vendre des fleurs afin de gagner sa nourriture. De quel droit les policemen, qu’il avait prestement jetés à terre, prétendaient-ils empêcher la fillette de gagner les quelques cents nécessaires à sa subsistance ?

Quel tort la pauvrette causait-elle à la société ?

Est-ce que les misérables devaient renoncer au droit de vivre ?

Soudain, une phrase articulée tomba au milieu de ses pensées.

Tout près de lui, une voix avait prononcé :

— Enfin, décide-toi, Tom, tu es bien dégoûté… Cinq cents dollars à gagner, la clef des champs… et de l’avenir… Tout cela pour ramasser une gamine de deux ans et la laisser tomber dans le rio (rivière) le plus proche.