Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/205

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jouit de la considération de ses sinistres compagnons.

Jetty et Tom s’enorgueillissaient de l’avoir découvert dans le pénitencier d’Alb-Point.

Ils oubliaient que l’audacieux gamin les avait un peu contraints à l’emmener avec eux. Et, vingt fois par jour, l’Irlandais grommelait à l’oreille de l’Américain :

— Hein, vieux Tom, le Crâne nous dira le grand merci pour le grillon.

— Je pense ainsi.

— Tu le peux… Le drôle vaut dix lourdes bêtes comme Foorberg.

— Et il les secouerait comme des plumes.

Observations qui déterminaient chez les deux camarades une douce gaieté.

Maintenant, Jud était admis dans les conciliabules des bandits, malgré l’opposition non dissimulée des inséparables Von et Van. Aux objections de ceux-ci, les autres répondaient invariablement :

— C’est une nature… Il ira loin… Pour le surplus, c’est au Crâne à décider comment il l’emploiera.

En attendant, et le petit ayant prouvé par ses paroles qu’il connaissait le but de l’expédition, on lui apprit sans difficulté que le bébé de deux ans, dont la disparition était décidée, se trouvait dans la presqu’île mexicaine de Californie, immense langue de terre qui s’étend, longue de plus de douze cents kilomètres sur une largeur variable de vingt-cinq à soixante, entre l’océan Pacifique et la mer Vermeille.

Et lui, restait impassible, ne trahissant par aucun geste, aucune inflexion de voix, la pensée de dévouement qui l’avait amené en si mauvaise compagnie.

On prolongeait la côte à vue. Il se faisait nommer les baies, les caps, les îlots aperçus.

Trois jours se passèrent ainsi. Le quatrième, Jud remarqua à bord une agitation insolite. Il en conclut que l’on était près d’arriver, ce que Jetty et Tom lui confirmèrent sans difficulté.

— La nuit prochaine, dirent-ils, le navire sera sur ses ancres dans la baie de Sébastian Vizcaïno, et nous descendrons à terre pour gagner les dollars, qui nous assureront du bon temps au retour.

Le soleil se coucha sur l’océan, jetant sur les vagues des traînées de pourpre et d’or. La nuit vint, nuit tiède, peuplée d’étoiles scintillant parmi le bleu profond du ciel.

Et soudain, le navire, qui courait parallèlement à la côte, se dirigea vers la terre, contourna à moins