Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/209

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Et rongeant son frein, il attendit.

Il faut croire que le destin avait marqué la voie de l’enfant, car soudain l’organe rude du capitaine se fit entendre :

— Tout le monde à l’avant, les crochets à squales à la mer.

La pêche du squale ou requin est une distraction dont les gens de mer sont friands.

En toute hâte, les matelots coururent vers l’endroit indiqué.

Mais un nouvel obstacle, plus terrible que les hommes, se dressait en face de Jud Allan.

Des squales rôdaient autour du navire.

Un instant, il demeura immobile, puis il eut un grand geste de résolution.

— Tant pis… j’ai mon couteau… Et puis, pour ce que la vie est amusante.

Il sortait du panneau tout en parlant. L’arrière du navire lui apparut désert.

Ainsi qu’une ombre, il se glissa jusqu’auprès des palans supportant l’un des canots.

Une corde déroulée baignait son extrémité ; dans les flots.

Elle avait servi aux compagnons d’expédition du « Crâne » à embarquer dans la chaloupe venue de terre, et les marins n’avaient point jugé utile de la ramener sur le pont.

À l’avant, on entendait les cris des matelots, amorçant les crochets destinés à la pêche du squale.

Jud s’accrocha au filin du palan, se laissa glisser dans l’eau.

Peut-être, avant d’y plonger, interrogea-t-il la surface des flots avec une vague inquiétude mais ses mouvements n’en furent pas ralentis.

L’onde se referma sur lui. L’enfant nageait entre deux eaux.

Sa tête, point noir déjà presque invisible du pont, émergea à quelque distance, puis disparut de nouveau.

Il répéta à plusieurs reprises la même manœuvre.

Enfin, se jugeant assez éloigné de sa prison flottante, il commença à tirer régulièrement sa coupe.

Il oubliait les requins. Les voraces carnassiers marins devaient être absorbés par les appâts que les hommes du bord mettaient à leur disposition.

Aussi nageait-il avec calme, sans se presser, ménager de ses forces.