Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tous les deux ou trois cents mètres, il se reposait un instant en faisant la planche. Après quoi il repartait.

À l’estime, il avait parcouru la moitié de la distance qui le déparait de la côte, quand un frisson le secoua tout entier.

À quelques brasses de lui, il venait de distinguer un objet triangulaire, ressemblant à une petite voile latine, qui courait à la surface des eaux.

L’aileron dorsal d’un requin, se dit-il avec angoisse.

Mais, malgré l’imminence du danger, son sang-froid ne l’abandonna pas.

Le requin voit mal, si mal que parfois un petit poisson, dénommé remora, le guide, remplissant les fonctions du caniche pour l’aveugle.

Mais, par contre, il a l’ouïe très développée.

Le moindre bruit insolite attire son attention, détermine la direction de sa course. Il nage au son avec une certitude absolue.

Jud s’allongea sur l’eau, se laissant flotter ainsi, qu’un corps mort.

Malheureusement, dans cette position, il ne lui était plus possible de surveiller les mouvements du squale. D’une seconde à l’autre, il pouvait être happé par la gueule formidable de l’ennemi.

Deux, trois minutes passèrent ainsi, minutes d’épouvante et d’horreur.

Enfin, la tension de ses nerfs devint telle, qu’au risque d’attirer le requin, le gamin voulut voir. Il reprit la position du nageur, non sans avoir glissé entre ses dents son couteau ouvert.

L’aileron avait disparu.

Le squale s’était éloigné, sans avoir éventé la proie si proche de lui.

Jud poussa un soupir de satisfaction profonde. On a beau être brave, avoir fait le sacrifice de sa vie, la pensée d’être dépecé par un monstre marin ne saurait être accueillie comme une perspective agréable.

Mais l’heure ne permettait pas les longues auto-congratulations. Le gamin recommença à nager vers la terre.

Maintenant, il était assez rapproché pour discerner nettement la côte où il voulait aborder.

Elle semblait formée de falaises verticales tombant à pic dans la mer. En face de Jud, deux petites baies se creusaient dans la muraille rocheuse.