Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/223

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meurtrier lui a arraché l’enfant qu’elle tenait en ses bras. Puis il regarde le cadavre, qui s’écroule sur le sable du chemin, et il ricane :

— Trop imprudente, ma mie. Pour les miens, je dois être seulement le Crâne… Pourquoi m’appelez Frey, sans nécessité ?

Celui dont, en dépit du masque, le gamin connaît à présent deux noms : Le Crâne, Frey, reprend le chemin qu’il a parcouru tout à l’heure.

Sous son bras, tel un paquet vulgaire, il emporte l’enfant, endormie par le laudanum.

Et Jud, invinciblement attiré par ce fouillis d’étoffes blanches qui lui cachent la frêle mignonne pour laquelle il risque son existence, se replonge dans la pulqueria. Voici la clairière.

L’autre partie du drame a commencé à s’accomplir en cet endroit. Les bandits sont réunis autour d’un homme garrotté, réduit à l’impuissance.

— Ah ! ah ! vous avez travaillé, garçons, s’écrie le Crâne d’une voix joviale.

— Et sans bruit, j’ose le dire, riposte le Chinois Kan-So, dont la face maigre et jaune se plisse en un hideux sourire.

— Il a résisté ?

— Non. La surprise a été complète. Quand il a eu conscience de l’attaque, il était déjà ficelé.

Alors, le Crâne se baisse, dépose l’enfant au pied d’un aloès, puis s’avance lentement vers le prisonnier, dont les yeux se fixent sur lui avec une stupeur épouvantée.

— Oui, oui, c’est moi, mon brave Pariset, dit-il. C’est moi, dont tu crierais le nom aux échos, si mes dignes associés n’avaient pris soin de te bâillonner.

En effet, le prisonnier ne saurait répliquer. Il s’agite vainement, se tord en une inutile tentative pour briser ses liens. La gaieté sinistre de son interlocuteur s’accentue.

— Seulement, Pariset manque de réflexion… Il nous fait, à Lily et à moi, l’injure la plus grave qui puisse atteindre une femme et un gentleman… Et il croit que l’on emploiera, pour le réduire à l’impuissance, des cordes qui se rompront au premier effort.

Les bandits soulignent de rires, grossiers et cruels la terrible ironie de leur chef.

— Je venge Lily, que tu as offensée, reprend ce dernier… Ta vie seule peut payer l’injure. Je vais la prendre.