Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/222

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tuiles vernissées qui brillaient sous les rayons de la lune, attirèrent son attention.

— L’hacienda, murmura-t-il.

Un sifflement, aux modulations particulières, se vrille dans l’air. À dix pas, le Crâne s’est arrêté. Masqué par une touffe d’arbres, il ne saurait être aperçu de l’hacienda.

Mais qu’est-ce donc ? Là-bas, dans la façade blanche de l’habitation, un rectangle noir vient d’apparaître.

« Une porte a été ouverte », se confie le petit, la gorge serrée par l’angoisse.

Il ne se trompe pas. Sur le seuil se montre une forme blanche. La forme blanche vient vers l’endroit où attend le Crâne. Jud discerne la silhouette d’une femme.

Son cœur se tord éperdument dans sa poitrine, car la femme porte un fardeau dont le jeune guetteur devine la nature. C’est le bébé, c’est Lilian.

Un instant ses yeux se troublent, embués par l’émotion. Quand il regarde de nouveau, la femme est debout, en face du chef masqué. Il l’interroge d’une voix brève, autoritaire. Elle répond, doucereuse et hypocrite.

— Trina, tu as l’enfant ?

— La voici, chef. Comme tu l’as ordonné, j’ai mis trois gouttes de laudanum dans son laitage.

— Bien. Elle dormira jusqu’au matin et ne nous fatiguera pas de ses cris. Et la señora Lily ?

— Elle dort en souriant. On dirait que les saints anges bercent son repos.

— Les peones, les serviteurs ?

— Rentrés à leurs habitations à la chute du jour, ainsi qu’à l’ordinaire. Aucun n’aura l’idée d’en sortir. Une généreuse distribution de pulque et de mescal (eau-de-vie) les y retiendra jusqu’à l’aube.

— Allons, Trina, tu es une fille intelligente et adroite… On aura soin de ta fortune.

Elle s’incline profondément.

— Oh ! master Frey sait récompenser les dévouements…

Sa phrase s’achève dans un râle sourd.

Celui qu’elle vient de nommer a profité de son mouvement respectueux. Il a tiré le machete passé à sa ceinture. L’arme s’est abattue, rapide, sur le crâne de la misérable femme, brisant les os, atteignant la cervelle.

Avant que le corps de Trina ait roulé à terre, son