Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/225

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Il va, se pressant… Les voix des bandits, affaiblies par l’éloignement, lui indiquent qu’il peut renoncer aux précautions qui ralentissent sa marche.

Il se dresse sur ses pieds, il court, il vole.

Ah ! voici les palissades… Là-bas, un cheval de robe sombre le regarde venir. Sans doute, l’animal a déjà senti le poids d’un cavalier, car il ne s’enfuit pas comme ses compagnons de pâturage, quand le gamin escalade la barrière.

Et Jud sifflote doucement, il s’approche du coursier, il le flatte, puis soudain, il détache sa ceinture, simple tresse de soie, la glisse dans la bouche du cheval, étonné, et d’un bond se trouve à califourchon sur le dos du quadrupède.

Celui-ci veut se débarrasser du cavalier. Mais le gamin lui scie la bouche avec sa cordelette, il lui enfonce ses talons dans les flancs. L’animal a un hennissement de douleur, et furieux, affolé, il s’emballe en un galop éperdu.

Soudain, une détonation lointaine résonne.

Jud frissonne, serre plus, étroitement la petite Lilian. Il a compris… Ce coup de revolver a tué le père de l’enfant. Et il talonne sa monture, dont la vitesse semble s’accroître encore.

Cela dure longtemps. Le cheval, haletant, dont le poitrail se couvre d’écume, essaie de ralentir. Jud le pousse sans cesse, sans pitié.

Dans une dernière foulée l’on parcourt encore quelques kilomètres. Les flancs du cheval, surmené, fument. Ses naseaux, démesurément ouverts, laissent passer un souffle rauque.

Brusquement il bute, s’abat sur le sol, précipitant en avant son cavalier.

Instinctivement, Jud essaie de protéger le cher fardeau qu’il étreint… Mais sa tête porte sur un corps dur, racine ou pierre ; une douleur violente lui fait perdre connaissance, et il demeure inerte, immobile, comme mort, avec l’enfant endormie, que ses bras enserrent toujours.