Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/235

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séparées que par une mince cloison, ce qui leur permettait de continuer la conversation à travers ce frêle obstacle.

Mais si d’ordinaire elles usaient de cette facilité, ce soir, elles demeurèrent silencieuses. Grace se mit au lit, en jetant un dernier bonsoir à sa voisine :

— Dors bien, Lilian.

On ne lui répondit pas, ce qui incita la rieuse à ajouter :

— Bon ! Elle est déjà dans le pays des rêves… Rien d’étonnant à cela, car vraiment, depuis ce matin, c’est à se demander si nous n’avons pas rêvé.

Quand Margaret repassa dans le couloir pour s’assurer que toute lumière avait disparu, les chambres, occupées par Grace et Lilian, étaient plongées dans l’obscurité. L’absence de tout bruit semblait indiquer que les jeunes filles reposaient.

Et cependant Grace n’avait pas trouvé le sommeil. Son imagination travaillait, en dépit de sa volonté. Elle se remémorait le terrible récit que contenaient naguère les feuillets remis par Jud à Lilian.

En dépit de la clarté de certains faits, d’autres demeuraient mystérieux.

Que signifie la substitution d’une certaine quantité de feuilles, substitution que le professeur ignorait certainement, car miss Paterson le connaissait assez pour comprendre qu’il n’eut point consenti à laisser parler de lui en termes aussi favorables ?

Alors, quel est l’ami qui a tenu à faire connaître la vérité ?

La curiosité faisait bouillonner son cerveau. Plus elle pensait aux incidents de la journée, plus elle découvrait de points obscurs, qu’elle eût souhaité élucider sur l’heure.

Onze heures, minuit sonnèrent, amenant chaque fois une petite colère.

— Je veux dormir, grondait la gentille créature, tandis que l’horloge jetait dans l’espace ses avertissements sonores.

Mais Morphée est un dieu capricieux. Il distille ses pavots sur ceux à qui la veille serait nécessaire ; il les écarte de ceux qui appellent leur soporifique secours.

Une heure !

Grace se retourne violemment sur sa couchette de pensionnaire. Cela devient ridicule, à la fin, de passer une nuit blanche pour découvrir l’explication cherchée. Est-ce qu’il n’est pas plus raisonnable d’attendre la première visite de Jud Allan ?