— Allons, je vois qu’il ne faut pas vous tourmenter plus longtemps. Le nom de votre ennemi est Allan.
— Allan ! N’est-ce point le nom de cette jeune fille inconnue ?…
— Que j’ai apportée cette nuit dans votre hôtel, et enfermée au lieu et place de Linérès.
Frey se passa la main sur le front. Il ne comprenait pas.
— Allan, murmura-t-il. Je ne connais pas cet Allan.
— Il est professeur à l’École militaire de West-Point, en relations personnelles avec le président Loosevelt, et dernièrement, à Paris, il s’est lié d’une amitié inexplicable avec le chef de la Sûreté, M. Lerenaud ; Allan, hier, grimé en vieillard, vous a régalé de la séance de ventriloquie que vous savez, avec le concours d’un boy du Sénat.
Et comme l’athlète redisait dans le désordre de ses pensées :
— Mais Allan, cela ne me dit rien.
La Chinoise ajouta paisiblement :
— Il a un prénom qui vous paraîtrait peut-être plus explicite.
— Un prénom ?
— Oui, un prénom que vous avez dû évoquer bien souvent dans les heures difficiles.
— Mais lequel, lequel ? Je vous en supplie, ne vous jouez pas de mon anxiété.
— Il y a seize ans, Allan s’appelait le chevalier vagabond, ou, plus familièrement, le petit Jud !
— Jud !
Le milliardaire étendit les bras, ses yeux eurent un égarement.
— Jud !
Ce monosyllabe l’avait brusquement rejeté dans le passé, dans cette claire nuit californienne, où il avait froidement assassiné Pariset. Et brusquement un éclair traversa son esprit.
— Mais alors sa sœur, cette Lilian qui a le nom de l’enfant disparue ?
Rouge-Fleur lui imposa silence.
— Lilian est la sœur de Jud Allan, rien de plus. Ne compliquons pas notre affaire. Linérès est l’héritière des Pariset, nous n’avons aucun intérêt à lui susciter une rivale. Donc Lilian est Lilian Allan ; c’est uniquement ainsi qu’elle doit immobiliser son frère.
Et Frey l’interrogeant du regard.
— Entre vos mains, elle sera l’otage.